Luxury Ceramics
Luxury Ceramics
Céramique de prestige au début de la période islamique. Un fossé entre l’Est et l’Ouest
Entre la fin de l'Antiquité et la période islamique, les productions d'origine romaine tardive fortement normalisées perdent leur rôle central sur le marché méditerrané de la céramique en raison du processus de ruralisation de l'économie et de la société. Elles sont remplacées en plusieurs régions par des productions régionales et locales, avec une moindre variété d'objets à usage plurifonctionnel.
En Orient, à l'époque omeyyade, une nouvelle céramique de luxe, caractérisée par des revêtements glaçurés et nouveaux motifs ornementaux, se développe depuis le VIIIe siècle avec un grande variété de recettes et des modes opératoires. On retrouve des céramiques a décor incise or moulé en léger relief, parfois avec de pastilles appliquées, de la fin de la période sassanide. Dans les territoires de Syrie, d'Irak et d'Égypte, on a assisté, depuis le VIIIe siècle, à une grande diversité de combinaisons techniques et chromatiques telles que les yellow-glazed wares et les dérivées des céramiques coptes. Au IXe siècle, s'ajoutaient les glaçures jaspées (splash-ware), et les céramiques émaillées (avec revêtements en étain) bichromes et polychromes et le lustré métallique, dans ce qu'on appelle « l'horizon de Samarra ». Cette diversité technique dérive à la fois de l'évolution des anciennes glaçures mésopotamiens, ainsi que de l'évolution des traditions protobyzantines et de l'introduction d'influences orientales venues de la Chine Tang.
Cependant, ces céramiques ne se trouvent pas en Méditerranée occidentale. Apparemment, ils ne sont pas un objet d'échanges. La transmission des techniques vers l’Occident semble passer par l’Ifriqiya aghlabide, au IXe siècle, bien que les formes de céramiques glaçurées émirales d’al-Andalus (début du Xe siècle) aient des antécédents au Proche-Orient.
À l’Occident, entre les VIIIe-début Xe, on ne peut pas vraiment parler de céramique de luxe. Les céramiques sont fabriquées avec des technologies rudimentaires (modelées ou montées à la tournette) et décorées par de simples incisions ou cordons digités.
Seulement au cours du IXe siècle, les ateliers urbains connaissent un nouvel essor, même si cette reprise ne se produira pas de manière simultanée et avec la même intensité sur tous les territoires du al-Andalus. A partir de la seconde moitié du IXe siècle, des techniques orientales de glaçure au plomb ont été introduites en al-Andalus. Les premières ont été fabriquées à Pechina et, peu après, à Malaga et à Cordoue. Elles sont généralement appliquées sur des motifs en relief, utilisant parfois des traits irréguliers d'une seconde couleur, dans ce qui semble être l'antécédent des premières productions péninsulaires de « vert et brun ». La dispersion des découvertes révèle une réactivation des réseaux d'échanges de la céramique d'al-Andalus que l’on retrouve dans des endroits éloignés comme Tudela, Gormaz ou Lisbonne.
Susana Gómez Martínez, est une archéologue spécialisée dans l’étude de l'archéologie médiévale et la céramique islamique. Actuellement, elle est professeure et directrice du Département de Histoire et Archéologie à l'Université de Évora, chercheuse au Campo Arqueológico de Mértola et au Centre des Etudes en Archéologie, Arts et Sciences du Patrimoine (CEAACP) et collaboratrice au Laboratoire Hercules de la Université de Évora. Docteur en Histoire et Géographie de l' Université Complutense de Madrid (2004), elle a été chercheur de l'Université de Coimbra entre 2008 et 2014 et professeur invité a l'Université de l’Algarve.
The Islamisation of Material Culture: The Use of Glazed Tableware as Common and Luxury Object
During the 8th century, the massive production of African amphorae and tableware (African Red Slip ware) was drastically reduced, and the region lost its centrality in the Mediterranean commercial exchanges. This resulted in a change in the production system, which aimed to satisfy the local demand and to a lesser degree the foreign one. Unfortunately, due to the lack of data, we cannot follow the evolution of the production system during the 8th and a great part of the 9th century. New information becomes available starting from the late 9th century, when North Africa and Sicily were under the Aghlabid government. It is clear that the Arab conquest of Sicily and Ifrīqiya resulted in profound changes in the production and consumption of material culture, the so-called “Islamisation of material culture”. New techniques, forms and decorations spread in these two regions merging with local habits and traditions, creating a completely original material culture. New habits are testified by the introduction of new objects (e.g. filter jugs, irrigation saqiya pots, formae and cantarelli for sugar production, alfabeguer etc.) and new modes are documented by the circulation of new decorative motifs. Around the end of the 9th century, a new technology revolutionises the tableware and illumination pottery production: the glazed wares.
Since the Late Antiquity, none of the ceramic types identified can be classified as “luxury pottery”. Both the Late Antique tableware production and the Islamic period one, including glazed wares, cannot be considered a luxury product, given their wide spread in different type of archaeological sites, including rural and urban ones. There are just few exceptions: the “royal” Aghlabid glazed ceramics on a white background, which have only been found at palatial sites in Tunisia in the late 9th – first half of 10th century, as well as some Egyptian, Andalusian and Chinese imports, dated from the late 10th – first half of the 11th century. In particular, these importations are part of the 10th century Fatimid commercial revolution and testify the strong connection of Sicily and Ifrīqiya with the Islamic network.
Viva Sacco (PhD, Université Paris-Sorbonne and Università di Messina) is an archaeologist specialised in the study of pottery productions of the Islamic Sicily and North Africa (9th – 11th century). She is currently a British Academy International Fellow at UCL Institute of Archaeology. She is carrying on a project about the Islamic Glaze Revolution: artisans and consumers in the medieval central Mediterranean.